La difficulté à définir Fluxus est proportionnelle à la volonté des artistes qui s’en sont réclamé d’échapper aux classifications. On ne peut, au mieux, que parler d’un label qui réunit « un groupe créé en 1962 et dont les membres vivent un peu partout dans le monde » pour citer Ben Vautier, figure française du Fluxus.
Fluxus aura été, en effet, non une avant-garde artistique organisée et structurée, mais un nom, un label, lancé à New York au début des années 1960. Un nom appelé à devenir signe de reconnaissance pour de très nombreux artistes attachés, dans les décennies 1960 et 1970, à poursuivre l’entreprise initiée par les dadaïstes et Duchamp : une remise en cause radicale de l’autonomie de l’art et des catégories esthétiques, des spécificités nationales, des genres et des hiérarchies.
Le mot FLUXUS contient son propre programme dans sa consonance : FLUXUS fluidifie, FLUXUS est fluctuant, c’est un fleuve qui pulse. Car si la mouvance Fluxus est en premier lieu composée par des artistes internationaux une dizaine d’années après la Seconde Guerre mondiale, FLUXUS est avant tout une attitude et un regard porté sur la société et son évolution. En abolissant les frontières entre art et quotidien et en amalgamant les medium et les techniques, Fluxus se fait précurseur de l’art contemporain actuel.
Naissance et principes de Fluxus
Le point d’origine de FLUXUS s’enracine dans la classe de composition musicale de John Cage à New York à la fin des années 50. L’esprit libre et novateur de John Cage influence un groupe de jeunes compositeurs qui étendent le champ de ses idées aux autres disciplines artistiques. On compte parmi ces jeunes enthousiastes l’historien d’art d’origine lituanienne Georges Maciunas, les compositeurs Dick Higgins et La Monte Young. Ils découvrent grâce à Cage le mouvement Dada, le ready-made de Marcel Duchamp et les surréalistes.
Fluxus participe aux questionnements soulevés par les formes d’arts qui voient le jour dans les années 1960 et 1970 : statut de l’œuvre d’art, rôle de l’artiste, place de l’art dans la société, notamment. L’humour et la dérision sont placés au centre de la démarche et participent à la définition de Fluxus comme un non-mouvement, produisant de l’anti-art ou plutôt un art-distraction.
À la fin des années 1950, de jeunes artistes influencés par les enseignements de Marcel Duchamp et de John Cage rejoignent le groupe rassemblé autour de Maciunas et de la galerie qu’il crée à New York en 1961. Après s’être installé en Allemagne en septembre 1962, George Maciunas organise le premier concert Fluxus, le « Fluxus International Festspiele Neuester Musik » à Wiesbaden, qui marque le lancement du mouvement.
Durant près de vingt ans Fluxus restera fidèle à un humour provocant, à l’explosion des limites de la pratique artistique, à son désir d’abolir toute frontière entre l’art et la vie.
Naissance d'un anti-art.
Fluxus se singularise par une approche – pour l’époque – révolutionnaire et subversive, en remettant en cause des éléments ou notions considérées comme évidentes ou acquises par les institutions ou le public.
La négation du statut d’artiste
Il n’y a pas d’artiste au sens strict du terme, c’est-à-dire un statut d’Artiste, avec reconnaissance, culte de l’ego et exclusion de tous les amateurs et autres peintres du dimanche. Chacun possède en soi une étincelle artistique, qu’il doit cultiver pour rendre son existence étincelante. On est un artiste dès qu’on s’approprie la faculté de créer, et qu’on la cultive assidûment, même sans avoir fait les Beaux-Arts ou sans avoir visité de musées.
Quiconque fait acte de création est artiste.
Décloisonner les arts et techniques !
L’individu créateur ne peut et doit pas être limités par une hiérarchie des techniques ou un champ de spécialité. L’individu doit expérimenter et peut s’essayer à toute forme de création. Le poète peut être musicien mais aussi peintre et sculpteur. Aucun médium ne doit être négligé.
En outre, l’émergence des nouvelles technologies ouvre un éventail de potentialités. Fluxus verra ainsi en son sein les prémisse de l’art vidéo et de l’art conceptuel.
L’attitude créatrice ne connaît d’autres bornes que celles qu’elle s’assigne
Se réapproprier les outils de production et de promotion
Fluxus adopte le fonctionnement d’une coopérative. Jugeant que l’art est devenu corrompu, devenant un concept élitiste et un outil économique et spéculatif, les membres de Fluxus veulent reprendre le contrôle de leurs créations. Ainsi, les participants souhaitent se soustraire aux circuits institutionnels et commerciaux classiques. Le collectif communique expose, créé et vend sans passer par les musées, les galeries d’art et la presse. Dans une conception postmarxiste, le collectif se réapproprie les moyens de promotion, de distribution et de production des œuvres dans une démarche collectiviste et autogérée.
L’anti-art ou la fin de l’esthétisme
Avec la fin de l’Artiste, c’est aussi la fin de l’Art en tant que notion sacralisée. Dans la droite ligne de Duchamp, tout créateur est artiste, toute création est art si on la revendique ainsi. Les concepts de beauté, de message ou d’intention artistique deviennent vain. Car l’art étant création, le quotidien est fait d’art. De cette réalisation nait le concept d’anti-art : si tout est art, rien n’est art.
Fluxus est définitivement contre l’objet-art comme commodité non-fonctionnelle […]. Cela doit temporairement avoir la fonction pédagogique d’enseigner au peuple l’inutilité de l’art, incluant l’éventuelle inutilité de soi.