NFT, kézako ?
NFT est l’abréviation de Non-Fungible Token ou Jeton Non Fongible en français.
A ce stade nous ne sommes pas particulièrement avancés, alors décomposons.
Attardons nous sur ce mot, « Fongible », peu courant dans le langage quotidien. Un élément fongible est un élément qui peut être remplacé ou divisé sans perdre ni gagner en valeur, et virtuellement disponible en quantité illimitée. Par exemple, l’argent est l’élément fongible par excellence, car on peut échanger une somme d’argent, un billet de 20€ contre un autre billet de 20€, deux billets de 10€ ou vingt pièces de 1€. Au bout du compte la valeur globale reste inchangée, de plus les banques centrales fabriquent régulièrement de l’argent.
Un élément non fongible est donc unique, indivisible et sans équivalent. Pour reprendre l’idée de l’argent, c’est comme si chaque somme n’existait qu’en un seul exemplaire, jamais reproduite ni refabriquée. Imaginez un seul billet de 20€ au monde, une seule pièce de 1€.
Le terme « Token » est extrêmement générique, et renvoie à n’importe quel objet ou élément, et sa traduction littérale « jeton » n’est pas plus satisfaisante. On préfèrera parler d’actif numérique, c’est à dire en termes simples tout ce qui existe dans un format numérique et qui a un droit d’utilisation (un droit de copier, de dupliquer, de reproduire, de modifier et d’utiliser autrement). Ainsi, par exemple, des éléments tels que des documents, des logiciels, du contenu audio ou visuel, et d’autres données numériques similaires sont tous considérés comme des actifs numériques.
En résumé un NFT un actif numérique (ici une série de données) qui a la particularité d’être unique, non reproductible, indivisible, non modifiable et sans équivalent de valeur.
Fonctionnement et usage des NFT
La définition étant posée, nous nous heurtons à des questions d’ordre pratique : comment est-il possible de vendre et échanger des éléments qui, par nature, sont non échangeables ? Aussi, à quoi cela peut-il servir ?
Pour la première, l’usage de la blokchain et des crypto-monnaies permet d’une part d’assurer la non fongibilité du NFT et de le vendre.
Contrairement à une base de données classique, une blockchain est une série de « blocs » de données reliés entre eux. Cette chaîne de blocs crée un « grand livre » numérique partagé (collection de données) qui enregistre l’activité et les informations au sein de la chaîne.
Chaque grand livre de la blockchain est stocké dans le monde entier sur des milliers de serveurs différents. Cela signifie que n’importe qui sur le réseau peut voir (et vérifier) les entrées de tous les autres. Cette technologie de pair à pair et de grand livre distribué, comme on l’appelle, signifie qu’il est pratiquement impossible de falsifier ou d’altérer les données d’un bloc.
L’usage de crypto-monnaies permet de garder cette sécurisation – la blockchain- tout en offrant un moyen d’échange.
D‘accord, mais à quoi ça sert ?
Le milieu de l’art contemporain a très vite perçu l’intérêt des NFT. Posons nous un instant et considérons : nous avons un élément unique, infalsifiable, non reproductible et parfaitement authentifiable puisque consultable. Nous avons là un certificat d’authenticité parfait !
Le marché de l’art voit dans l’utilisation de ces jetons non fongibles un moyen de résoudre l’épineuse question de l’art numérique, en remplaçant de manière automatisée le précieux certificat d’authenticité d’une œuvre d’art.
Qu’est-ce que j’achète ?
Acheter un NFT c’est acheter un certificat de propriété de l’œuvre ou de l’objet numérique auquel il est lié.
Comme on parle ici de « propriété », aucune autorité, personne ne peut annuler votre propriété à un NFT ou en recréer un identique. De plus, ils sont également « sans autorisation », c’est-à-dire que n’importe qui peut en créer, en acheter ou en vendre sans une quelconque autorisation. Toutefois, le rapport d’unicité demeure, même si n’importe qui peut le consulter.
Autrement, on peut comparer un NFT à une carte à collectionner unique en son genre, disposée dans une vitrine ouverte et que tout le monde peut admirer et photographier. La seule spécificité est que cette carte appartient à une seule et unique personne à un moment donné. Dans la pratique, il peut se représenter à travers une œuvre d’art numérique, une image. En soi, c’est l’existence même en tant qu’objet numérique dans la blockchain qui rend un NFT unique.
Limites et critiques des NFT
Si en principe les NFT ont des applications extrêmement pratiques (authentification, non falsifiable, traçabilité, etc…) les collectionneurs et marchands se trouvent vite confrontés à des limites qui ont de quoi interroger sur la viabilité des NFT en tant qu’objet d’échange :
Acheter un NFT ce n’est pas acheter une œuvre d’art
Le NFT n’est qu’un certificat lié à un objet numérique. Acheter le certificat ne rend en aucun cas propriétaire de l’œuvre, qui peut être reproduite, copiée, partagée par tous. L’acheteur ne possède pas l’œuvre ou l’objet et n’a aucun droit regardant ce dernier.
Plusieurs collectionneurs de NFT ont donc fait face à de nombreuses déconvenues lorsqu’ils voyaient les œuvres dont ils avait acheté le NFT plusieurs dizaines de milliers d’euros être partagées sur internet, sans aucun recours possible.
En outre ils peuvent être volés. Bien que la technologie qui sous-tend les NFT soit relativement sûre, de nombreux échanges et plateformes ne le sont pas. Ainsi, plusieurs cas de vol de NFT ont été signalés après des failles de cybersécurité.
Critiques financières et morales :
Le marché des NFT, d’après des observateurs, se comporterait comme une bulle spéculative qui finira par exploser, affectant tout le marché numérique.
La version actuelle d’Ethereum – principales plateforme d’échange de NFT – ayant des frais de transaction élevés, une partie croissante des nouveaux projets se tourne vers des blockchain concurrentes (Solana, Elrond, Avalanche, etc.)
Le producteur de musique Brian Eno dénonce quant à lui une financiarisation du milieu de l’art sans que cela apporte de valeur ajoutée aux œuvres.
Le dessinateur David Revoy, bien que publiant ses œuvres sous une licence libre et permettant à quiconque d’en faire un usage commercial, fustige le détournement de certaines d’entre elles sous la forme de jetons NFT, y percevant « un mélange de concepts [qu’il] déteste » et décrivant le système NFT comme « un pur produit du capitalisme et de la spéculation, mélangé à une technologie produisant de l' »unicité » et qui n’est pas connue pour être écologique ». Il appelle ses lecteurs à ne pas créer ou se procurer des dérivations NFT de ses travaux, considérant qu’elles sont une violation de ses droits moraux.
On évoquera également le cas tragique de l’artiste Qing Han, illustratrice ayant rapidement mobilisé une communauté de fan et de collectionneurs, morte en 2020, et dont les œuvres postées sur les réseaux sociaux ont été transformées en NFT et vendues par un collectif de spéculateurs sur la plateforme Twinci, sans l’accord de la famille et des ayants droit de l’artiste.